LES MECANISMES DE LA HERNIE DISCALE LOMBAIRE:
"D’après les
Docteurs Cassidy et Kirkaldy-Willis, au moins 5% des patients qui
consultent pour une douleur lombaire souffrent effectivement d’une hernie
discale15,
et la tranche d’âge la plus concernée semble être celle entre 30 et 40 ans16.
La définition exacte d’une hernie discale
pourrait être :
Une
condition pathologique de la colonne vertébrale dans laquelle une déchirure de l’anneau fibreux*
d’un disque intervertébral laisse déborder une partie du noyau pulpeux
dans le canal rachidien.
La littérature
scientifique souscrit à deux mécanismes principaux pouvant provoquer une hernie
discale lombaire : le prolapsus
subit (ou soudain) et le prolapsus
graduel (ou progressif).
a
Le prolapsus subit survient lorsqu’une charge
ou une force* est brusquement imposée
au disque tandis que la colonne vertébrale est en flexion. Ce type de hernie se
produit fréquemment lors d’accidents du travail, ou de loisir, causés par la
levée subite d’un objet lourd. Elle peut survenir chez des sujets jeunes, voire
adolescents, dont les disques sont
encore en excellent état.
Le prolapsus graduel survient suite à des
charges répétitives ou des efforts prolongés qui fatiguent l’anneau fibreux
chez des patients dont la colonne lombaire est déjà fragile ou
« usée » ; avec le temps, les lamelles restantes sont
insuffisantes pour résister à la tension et à la pression postérieure se
produisant lors d’une flexion en charge, et le noyau peut provoquer une hernie**.
La hernie discale peut être contenue si
l’anneau est déformé mais non rompu, on parle alors plutôt d’une protrusion
discale, ou non contenue, lorsqu’une partie du noyau traverse complètement
l’anneau à son point de rupture.
En 1999, Wilke, un chercheur allemand, a conduit
une étude sur la pression réelle subie par un disque lombaire (L4-L5)* lors des diverses activités et postures
de la vie quotidienne17. Celles
qui occasionnèrent le plus de pression sur le disque furent, dans l’ordre
décroissant :
a) Soulever 20 kg
plié en deux avec le dos rond (2,30 MPa= méga pascals) ;
b) Porter 20 kg à
bout de bras à 60 cm du thorax;
c) Porter 20 kg comme
on l’apprend dans les « écoles du dos »: avec les jambes et le dos
droit.
d) Porter 20 kg
prêt du corps**;
e) Etre debout plié
en deux;
f) Monter les
marches deux par deux;
g) Jogger avec des
chaussures à semelle dure;
h) Assis plié en deux;
i) Debout et relaxé;
j) Allongé sur le
dos (0,10 MPa)
Dans une
articulation vertébrale intacte, les ligaments postérieurs*
protègent le disque lors de la flexion. Mais les postures prolongées et la
rapidité du mouvement influent sur la résistance de ces ligaments, pourtant
relativement solides. Ainsi, le maintien d’une posture fléchie pendant 5
minutes diminue la résistance du rachis de 42%, et de 67% si la posture est
maintenue pendant 1 heure !
De plus, les
muscles spinaux exercent en se contractant une compression longitudinale sur le
rachis lombaire à cause de l’orientation de leur force vers le bas, tous les mouvements impliquant les muscles
spinaux sont donc associés à une augmentation de la pression nucléaire.
Comme l’a démontré Wilke**,
cette pression discale est fortement augmentée si la charge est soulevée en
flexion, et elle est encore plus considérable si elle est couplée avec une
rotation du rachis.
A ce propos, il est
intéressant de noter la conclusion de l’excellente étude réalisée par les Documents pour le Médecin du travail en
France en 199918 :
« Cette étude a mis en évidence le rôle défavorable des postures de
travail dans la survenue des hernies discales lombaires, en particulier les
postures impliquant les inclinaisons-rotations
du tronc, et le mode de soulèvement des charges.
La notion d’à-coups
et/ou d’élan dans le soulèvement apparaît comme un facteur de risque.
Les HDL paraissent fortement liées aux antécédents lombaires et au
début de vie active à un âge jeune. »
Comme nous l’avons
vu plus haut, Wilke a également observé que la pression intradiscale
était, après 7 heures de sommeil, 240% plus élevée qu’avant de se coucher* (passant de 0,10 MPa à 0,24 MPa).
C’est une des raisons qui pourrait expliquer l’apparition plus fréquente des
hernies discales en début plutôt qu’en fin de journée.
Un autre facteur essentiel de compression des disques est
l’action des muscles psoas**, qui,
en contraction maximale (comme dans les exercices d’abdominaux jambes tendues (sit-ups), peuvent exercer une charge
compressive sur le disque L5-S1 équivalente à une charge de 100 kg!13
La très grande majorité (95%)
des hernies discales lombaires survient aux étages L4-L5 et L5-S1."
MERCI DE VOTRE
ATTENTION, UN PATIENT INFORME EST UN PATIENT QUI GUERIT PLUS VITE, C'EST MON
OPINION ET MON EXPERIENCE!
* Le plus souvent postéro
latéral.
* Un
éternuement puissant, une forte quinte
de toux, une chute, sou même... un fou rire, peuvent constituer une force
brusque.
**
On parle en biomécanique (et en physique) de rupture de fatigue : En effet,
après des contraintes répétées, un matériau (en l’occurrence ici, les lamelles
de l’annulus ) peut rompre sous une contrainte considérablement moindre que
celle requise pour le léser après l’application d’une force unique (un autre
exemple : le trombone ou le fil de fer que l’on ne peut casser qu’en le
pliant de façon répétée).
* En
implantant un capteur dans le nucleus pulposus d’un étudiant (volontaire…) en
orthopédie.
**
Pour le Pr Bogduk, un spécialiste du rachis lombaire, il n’y aurait
pas de différence majeure de pression discale entre le fait de soulever une
charge en position « voutée » et en soulevant « avec les jambes
et le dos droit » : le véritable facteur critique semble être la distance
entre la charge et le corps. Plus la charge est éloignée du thorax, plus les
contraintes sur le rachis lombaire et les disques sont importantes.
* En
particulier le ligament surépineux
médian et le ligament jaune, petit
ligament épais qui unit les lames des vertèbres successives.
** Et Nachemson
avant lui dès les années 60.
* Du à la
réhydratation du disque pendant le sommeil.
** Psoas : un puissant muscle
fléchisseur de la hanche qui émerge de la face antéro-externe du rachis
lombaire pour s’insérer sur le petit trochanter du fémur.
15 Cassidy, J. D., Thiel, H. W., Kirkaldy-Willis,
W. H. Side Posture Manipulation for
Intervertebral Disc Herniation,
Journal of Manipulative and
Physiological Therapeutics, 16:97-103 ; 1993.
17 Wilke HJ, Neef P, Caimi M, Hoogland T, Claes
L. New In Vivo Measurements of Pressures in the Intervertebral Disc
in Daily Life. Spine.Volume 24, Number 8, pp 755–762 ; 1999.
18
Araszkiewirz G et Coll. Hernies discales lombaires et travail ; Etude de
201 observations/cas témoins.
Documents pour le
médecin du travail. N°77 ; 1er trimestre 1999.